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L’Unaf invitée à une concertation sur le respect de l’autorité à l’Ecole au Cabinet de la ministre de l’Education Nationale, Nicole Belloubet

Le 14 mai 2024, l'Unaf, représentée par Marie-Chantal Lardière, Administratrice de l’Unaf et Présidente du Département Education, Jeunesse, Numérique, Apprentissage, Patricia Humann, Coordonnatrice au Pôle Ecole, Petite enfance, Jeunesse, et Olivier Gérard, Coordonnateur au Pôle Médias, Usages numériques, a été invitée à une concertation sur le respect de l’autorité à l’Ecole au Cabinet de la ministre de l’Education Nationale, Nicole Belloubet. Trois points principaux étaient portés à l'ordre du jour de la rencontre : comment responsabiliser les élèves, comment mieux impliquer et responsabiliser les parents, comment faire de l'école un lieu mieux protégé et qui protège toujours mieux ?

Le mardi 14 mai 2024, une délégation de l’Unaf composée de Marie-Chantal Lardière, Administratrice de l’Unaf et Présidente du Département Education, Jeunesse, Numérique, Apprentissage, Patricia Humann, Coordonnatrice au Pôle Ecole, Petite enfance, Jeunesse, et Olivier Gérard, Coordonnateur au Pôle Médias, Usages numériques, s’est rendue au Ministère de l’Education pour participer à un entretien avec Valentine Tchou-Conraux, Conseillère sociale, et David Foltz, Conseiller valeurs de la République. Cet entretien faisait suite à la sollicitation du cabinet de la ministre.

Le ministère avait auparavant fait parvenir un questionnaire afin d’obtenir la position de l’Unaf (constats, besoins et mesures à adopter) sur les trois principaux points portés à l’ordre du jour de la rencontre. Celle-ci a aussi porté sur la question du numérique : actions prévues par l’Education nationale, actions de l’Unaf et des Udaf.

  1. Comment responsabiliser les élèves ?

Les chiffres concernant le climat scolaire sont parfois contradictoires. Globalement, ils peuvent être très positifs quand on demande aux élèves s’ils se sentent bien à l’école. Par exemple, l’enquête annuelle de l’AFEV menée en partenariat avec l’Unaf auprès des collégiens scolarisés en quartier prioritaire, fait état, en 2017, de 90% des collégiens qui se sentent bien au collège

De même, la récente enquête de climat scolaire et de victimisation de la direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance du ministère de l’Education nationale (DEPP) auprès des CM1/CM2 montre que 94% des enfants se sentent bien ou très bien à l’école.

Toutefois, en parallèle, cette même enquête indique que 23,1 % des élèves ont déjà eu peur de venir à l’école à cause de la violence.

L’enquête Pisa 2022 indique, quant à elle, que 22% des élèves de 15 ans déclarent avoir subi au moins une forme de violence au moins une fois par mois.

La récente enquête de novembre 2023 d’auto-évaluation sur le harcèlement scolaire révèle que plus d’un élève par classe serait harcelé. Le harcèlement commencerait dès l’école et surtout les situations dites « à surveiller » seraient particulièrement importantes à l’école (19% des écoliers du CE2 au CM2).

Pour répondre à ces questions, nous nous sommes appuyés sur la note jointe à ce questionnaire : le respect à l’école : comment responsabiliser les élèves ?

L’Unaf partage cette nécessité, pour les élèves, d’acquérir des compétences sociales et civiques dès la maternelle et tout au long de la scolarité, en fonction de la maturité des élèves.

Il nous semble essentiel de mettre à contribution les élèves pour réfléchir ensemble à ces compétences et trouver des exemples concrets d’application. De même, le règlement intérieur devrait être construit par les élèves. L’expérience de telles pratiques et notamment dans les Maisons Familiales Rurales montre que les élèves sont parfois plus exigeants que les adultes qui les encadrent. Ils sont davantage enclins à se comporter de telle manière quand ils y ont réfléchi au préalable et à appliquer des règles quand c’est eux-mêmes qui se les ont données.

Dans le cadre du respect dans la vie scolaire, il est noté l’utilisation des téléphones portables. Ceux-ci sont interdits dans l’enceinte de l’école et des collèges. Or, nous constatons que cette mesure n’est pas appliquée partout. Là encore une réflexion pourrait être menée en classe avec les élèves, à la fois sur les inconvénients du portable et sur les solutions pour s’en passer pendant le temps scolaire. Ces réflexions seront par ailleurs différentes selon l’organisation et la configuration de l’établissement (changement de classe à chaque cours ou non etc…).

En primaire : les sanctions nous paraissent nécessaires et graduées

L’association des parents est souhaitable dès le départ. Leur signaler les réprimandes est une bonne chose mais il nous semble important d’avoir un vrai échange (en présentiel) avec les parents et l’élève, et de renouveler cet échange plusieurs fois pour faire le point. Plus les parents sont avertis et associés tôt, mieux c’est. Il serait même préférable qu’un échange avec les parents ait eu lieu pour chaque élève au premier trimestre, afin que les parents ne soient pas contactés uniquement en cas de « réprimande » faite à l’enfant (cf point suivant sur la responsabilisation des parents).

Une réflexion peut être menée par les professeurs avec les parents sur la notion d’autorité, sur la manière de « faire autorité », un sujet récurent pour les parents dans l’éducation de leurs enfants. Confrontés à des discours et des conseils peu clairs et contradictoires, les parents ne savent plus forcément mettre l’enfant à sa juste place et celui-ci se comporte comme un « enfant roi » (ceci quels que soient les milieux sociaux).

Les professeurs des écoles et directeurs pourraient s’associer avec des associations familiales ou des Udaf qui pratiquent des actions de soutien à la parentalité, ce qui permettrait aux parents de se rendre compte qu’ils ne sont pas seuls et que des solutions concrètes peuvent exister pour retrouver une autorité vis-à-vis de leurs enfants. 46 Udaf mènent aujourd’hui des actions de soutien à la parentalité (ateliers parents, maison des familles).

Le fait que le Maire puisse procéder, in fine, à la radiation de l’élève et à son inscription dans une autre école a pu être décrié. Les retours des familles montrent que cela peut être positif pour l’élève de changer d’établissement.

Dans le second degré : l’échelle des sanctions n’est pas à remettre en cause

La mesure de responsabilisation après un blâme est particulièrement intéressante et le Vademecum créé pour les établissements peut les aider à la mettre en place.

La prévention des violences sexistes et sexuelles 

De nombreux outils ont été créés pour les enseignants et le personnel éducatif pour repérer ces violences, notamment intrafamiliales.

Les associations familiales ou les Udaf qui participent à l’éducation affective et sexuelle témoignent que ces séances sont parfois source d’informations préoccupantes concernant certains enfants en primaire. La présence de l’infirmier scolaire lors de ces séances est recommandée pour agir en conséquence face à ces situations.

La lutte contre les violences à caractère discriminatoire, la lutte contre le harcèlement 

Le ministère s’est fortement emparé de la question du harcèlement scolaire depuis un an, avec le programme Phare. Une évaluation sera nécessaire pour analyser son impact et son efficacité.

L’association des parents est faite normalement à tous les niveaux dans le protocole de prise en charge : lors de la révélation d’une situation et lors de la prise en charge de la situation, ce qui nous paraît essentiel.

Certaines actions menées par des Udaf permettent d’agir en complément sur la question du harcèlement :

L’engagement, un axe majeur pour le développement du respect des élèves 

L’Unaf est très favorable à tout ce qui peut favoriser l’engagement des élèves, des petits engagements dans la classe, dans la récréation, à l’invitation des élèves à devenir délégués de classe, éco-délégués, ambassadeurs Phare… ceci dès la maternelle. Nommer et former des élèves à être médiateurs dans la cour de récréation comme le propose l’association « Générations médiateurs » (https://gemediat.org/) a montré son efficacité.

Les projets qui favorisent l’engagement des élèves pour l’établissement ou en dehors de l’établissement scolaire en partenariat avec des associations sont à favoriser et à développer.

L’Unaf est par ailleurs favorable au développement du SNU.

2. Comment mieux impliquer et responsabiliser les parents ?

En 2019, l’Unaf a organisé un colloque sur les « relations Familles Ecole, comment recréer du lien ? ». Les constats là aussi ne sont pas favorables.

Voici ce qu’en disait le chercheur Philippe Merrieu :

« Aujourd’hui, nous assistons au « retour des parents ». Ils vérifient sur Internet si le programme suivi en classe est bien conforme au programme national, cherchent à faire part de leur avis au sein de l’établissement ou, parfois, « ruent dans les brancards ». Nous assistons parfois à des passages à l’acte et à des accès de violence à l’égard des enseignants et de l’école. Cette violence, exprimée pour l’essentiel par des familles très défavorisées, est de plus en plus importante et, bien sûr, elle est inacceptable. En même temps, il s’agit d’une autre manière d’exprimer la méfiance que les familles favorisées expriment en choisissant leur école, en déjouant la carte scolaire ou en faisant pression auprès d’un enseignant pour savoir si la méthode d’apprentissage de la lecture est la bonne. Si les comportements varient selon les appartenances sociales, ils relèvent de la même suspicion. Et les enseignants expriment d’ailleurs eux-mêmes cette méfiance lorsqu’il s’agit de leurs propres enfants. Ce phénomène a été identifié dès les années 1970 sous le nom de « consumérisme scolaire » par le sociologue Robert BALLION et, depuis, il s’est considérablement accéléré. »

La position de l’Unaf concernant les liens Familles / Ecole est la suivante :

L’Unaf est chargée, par le législateur, dans le cadre d’une ordonnance de 1945, de défendre les intérêts matériels et moraux des familles. L’Unaf est donc particulièrement attentive aux questions scolaires. Il nous semble intéressant de considérer de manière plus large les relations Familles – École dans lesquelles s’insèrent les relations Parents – École.

Dans la famille, les frères et sœurs qui entourent l’enfant peuvent parfois avoir un rôle important et être un appui pour l’Ecole. De même, les grands-parents, qui viennent souvent chercher les plus jeunes à l’école sont aussi parfois plus disponibles que les parents. On trouve également dans des familles recomposées, des beaux-parents qui vivent au quotidien avec l’enfant.

Considérer l’enfant dans sa globalité, c’est ne pas oublier l’environnement familial de l’enfant

Les écoles, les collèges, les lycées doivent s’ouvrir sur leur territoire et se mettre en lien avec les familles qui y vivent, créer des partenariats avec elles, notamment avec les associations familiales et les Udaf. Penser aux familles quand on pense à l’enfant, c’est donc avoir un point de vue plus large que celui qui porte uniquement sur les parents comme « usagers » de l’école.

Concernant les parents d’élèves

Les remontées des familles sont unanimes : les relations Parents/Etablissements scolaires ne sont pas apaisées. Elles sont plutôt marquées par la crainte. Crainte des professeurs d’être « envahis » par l’omniprésence des parents. Crainte des parents que l’école ne sache pas bien éduquer et insérer l’enfant. Or, l’antidote à la crainte, c’est la confiance.

Un établissement qui développe l’accueil des parents et qui les inclut dans ses instances de réflexion a beaucoup à gagner. Les exemples ne manquent pas d’écoles qui ont réglé des problèmes de climat scolaire, de « turn-over » des professeurs, par une participation accrue des parents.

Pour toutes les difficultés rencontrées par un jeune (absentéisme, orientation, etc…), dès qu’une concertation Ecole/Parents/Elèves est provoquée suffisamment tôt, des solutions peuvent être trouvées. L’Unaf souhaite que des temps de rencontre formels et informels soient prévus et rendus obligatoires (et non en fonction du bon vouloir de tel établissement ou de tel professeur…) :

3. Comment faire de l’école un lieu mieux protégé et qui protège toujours mieux ?

Dans l’enquête réalisée par l’AFEV auprès des collégiens des quartiers populaires sur le climat scolaire déjà citée, les jeunes disent qu’ils se sentent en sécurité dans le collège mais beaucoup moins aux abords du collège.

« Les jeunes interrogés se sentent en sécurité dans le collège dans une proportion très importante : c’est le cas pour 91% d’entre eux. Ils se sentent d’ailleurs plus en sécurité dans l’établissement scolaire que dans leur quartier où 81% éprouvent ce sentiment de sécurité. En revanche, ce sont les abords du collège qui leur paraissent moins sécurisants : 75% disent s’y sentir en sécurité, soit 16 points de moins que le sentiment éprouvé dans l’enceinte du collège. »

Il nous paraît essentiel que l’école soit « sanctuarisée », sécurisée. Le plan interministériel mis en place « pour déployer un bouclier autour de l’école et garantir la sécurité des élèves, des personnels et des établissements scolaires » prévoit une forte sécurisation des établissements scolaires. Mais il existe un besoin de protection aux abords des écoles et collèges.

Au cours de l’entretien, l’Unaf a également pu apporter son analyse sur des mesures plus précises comme la scolarisation de tous les collégiens en semaine de 8h à 18h, en commençant par les réseaux d’éducation prioritaire ou le recours aux internats.

Enfin, les échanges ont abordé la question des violences numériques dans et hors l’école.

Concernant le respect de l’interdiction du téléphone portable au sein des écoles et des collèges, l’Unaf a évoqué plusieurs bonnes pratiques, en rappelant que les solutions doivent aussi prendre en compte les spécificités de chaque établissement. En outre, pour l’Unaf sur ce sujet, les élèves peuvent être associés à la démarche. C’est une manière, pour eux, de mieux les accepter que si elles leur sont imposées.

Concernant la mise en place d’un contrôle réel et efficace de l’âge des jeunes inscrits sur les réseaux sociaux par le déploiement de solution d’authentification de l’âge, l’Unaf a précisé être favorable à la proposition « d’ouvrir le dispositif d’authentification Edu-Connect, si une voie est possible sur le plan juridique, pour garantir l’identité des enfants et le recueil du consentement parental tel que proposé par le rapport de la commission Enfant-écrans remis à Emmanuel Macron le 28 avril 2024.

Enfin, concernant l’accompagnement des parents et la perspective de mise en place d’une boîte à outils pour les parents, l’Unaf a rappelé qu’il existait déjà de nombreuses ressources à destination des parents, proposées par de nombreux acteurs. L’Unaf a rappelé qu’elle pouvait mettre à disposition de l’ensemble de la communauté éducative (établissements scolaires, associations de parents d’élèves, mouvements d’éducation populaires) des guides, conseils, affiches et outils d’animation (escape game, jeux de cartes, jeux ludiques…) qui viennent compléter les 2 sites « Mon enfant et les écrans » et PédaGoJeux.

L’Unaf a également précisé que la volonté du ministère en matière de soutien des parents autour des questions numériques rejoignait celle du Label « Parents, parlons numérique ».  L’Unaf a ainsi rappelé qu’elle pilotait, à la demande des Pouvoirs publics et en lien avec la DGCS et la Cnaf, ce label qui vise à diffuser auprès de l’ensemble des parents des informations, messages clés et ressources partagées, fiables et de qualité. L’objectif est de redonner confiance et de soutenir les parents dans l’exercice de leur responsabilité parentale autour des questions numériques et de favoriser le partage de conseils et de bonnes pratiques entre parents. Les thématiques abordées par ce label rejoignent celles visant à préserver l’école des violences numériques : le cyberharcèlement, les contenus violents et inappropriés (violence, pornographie, haine en ligne…), les pratiques à risques (nudes, revenge porn…), l’information à l’ère du numérique, les droits et la citoyenneté numérique, les réseaux sociaux.

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[1] Bilan de la JRES 2017  https://drive.google.com/file/d/1eVSnsBMlcuogsXS0w07ZG1Kz_x8R-I-C/view

[2] https://www.unaf.fr/ressources/familles-ecole-creer-lien/

[3] https://www.youtube.com/watch?v=vAx0Y82xOF4

[3] https://www.youtube.com/watch?v=vAx0Y82xOF4