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Proposition de loi visant à lutter contre la précarité de la jeunesse par l’instauration d’une allocation autonomie universelle d’études

Mercredi 13 décembre 2023, les sénateurs ont rejeté la proposition de loi de la sénatrice Monique de Marco (Gironde, Ecologiste) visant à lutter contre la précarité de la jeunesse par l’instauration d’une allocation autonomie universelle d’études.

Actualité législative

Mercredi 13 décembre 2023, les sénateurs ont rejeté la proposition de loi de la sénatrice Monique de Marco (Gironde, Ecologiste) visant à lutter contre la précarité de la jeunesse par l’instauration d’une allocation autonomie universelle d’études.

Cette proposition de loi modifie le code l’éducation dans ces articles sur la rémunération des apprentis et sur les bourses versées aux étudiants. Elle vise à instaurer une allocation autonomie universelle d’études à chaque personne âgée de dix-huit à vingt-cinq ans poursuivant des études auprès d’un établissement de l’enseignement supérieur public ou privé sous contrat et pour les élèves en apprentissage à partir de 16 ans.

Au cours des débats sur ce texte à noter les points suivants :

L’auteure et la rapporteure de la proposition de loi a précisé dans sa présentation : « L’allocation autonomie universelle d’études me paraît la seule option durable et valable. C’est pourquoi je remercie le président du Sénat, M. Larcher, d’avoir saisi le Conseil économique, social et environnemental de cette proposition de loi. J’espère que l’avis qui devrait être rendu dans le premier trimestre 2024 permettra de faire avancer cette idée. »

Le Gouvernement dans la voie de Mme Sylvie Retailleau, ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche a précisé les éléments suivants : « Madame la présidente, madame la rapporteure, mesdames, messieurs les sénateurs, le sujet qui nous réunit aujourd’hui est un sujet majeur pour notre avenir collectif et notre jeunesse. Le Gouvernement partage pleinement l’objectif de la protéger de la précarité et de mieux l’accompagner.

Toutefois, nous mobilisons d’autres moyens que celui qui est proposé par ce texte. L’article unique de la proposition de loi prévoit la création d’une allocation autonomie universelle, sans condition de ressources, pour les étudiants et les apprentis.

Madame la rapporteure, mesdames, messieurs les sénateurs, nous sommes déjà pleinement engagés dans le vaste et nécessaire chantier de la réforme du régime des bourses étudiantes sur critères sociaux, pilier du système de solidarité nationale à destination des étudiants.

Cette année, nos étudiants perçoivent des bourses sur critères sociaux revalorisées, grâce à un investissement historique, nécessaire dans le contexte d’inflation que nous avons connu et à la suite de la période du covid. Cette revalorisation dépasse l’inflation constatée.

J’insiste sur ce point, il s’agit d’une première étape de la réforme des bourses, qui représente un engagement d’environ 500 millions d’euros par an, supérieur à la simple revalorisation des montants de chaque échelon, car nous neutralisons les effets de seuil, nous renforçons nos aides aux étudiants en situation de handicap et en situation d’« aidance » et nous soutenons mieux les étudiants en outre-mer, qui sont confrontés à un coût de la vie plus important.

Le constat qui a guidé nos travaux était clair et partagé : notre système sur critères sociaux est à la fois efficace et redistributif – je reviendrai sur le principe de la redistribution –, mais il présente des limites et doit donc être remis à plat.

Conformément aux orientations du Président de la République, qui avait inscrit ce chantier dans la feuille de route de son second quinquennat, une attention particulière devait lui être accordée, afin que le coût de la vie ne soit jamais une barrière aux études.

Avec cette première étape de la réforme des bourses, nous poursuivions trois objectifs principaux : aider plus d’étudiants, les aider mieux et protéger les gains du travail des parents, en mettant fin aux effets de seuil.

Plus d’étudiants qui deviennent boursiers, c’est, pour eux, sur l’année, 1 450 euros de bourse, sans compter les avantages associés au statut de boursier, dont ils n’auraient pas bénéficié si les paramètres étaient demeurés inchangés.

Le montant des bourses a augmenté pour tous les échelons de 37 euros par mois. J’entends souvent dire que les bourses devraient être indexées sur l’inflation. Or ces 37 euros correspondent à une revalorisation de 34 % pour le premier échelon et à une augmentation de 6,2 %, dépassant donc l’inflation constatée, pour l’échelon le plus élevé. C’est la plus forte revalorisation depuis dix ans ; et elle concerne tous les étudiants boursiers.

Plus d’entrants dans le système des bourses, c’est aider davantage. Des boursiers qui basculent à un échelon de bourse supérieur, c’est aider mieux. Cela peut représenter une augmentation de 66 euros à 127 euros par mois. Le nombre de boursiers reclassés est plus important que lors de toutes les précédentes réformes.

Enfin, nous neutralisons dès cette année les effets de seuils, en attendant de les supprimer définitivement. Cela signifie qu’à la rentrée aucun étudiant n’a vu sa bourse diminuer d’un montant supérieur à l’augmentation des revenus de ses parents.

En complément, nous pérennisons une tarification très sociale des repas pour les boursiers et les étudiants précaires, comme cela avait été recommandé dans le rapport de la mission d’information sur les conditions de la vie étudiante en France de M. Laurent Lafon. Cette année, de nouveau, nous avons gelé les tarifs de la restauration à 3,30 euros en général et à 1 euro pour le tarif très social.

Nous avons aussi gelé les loyers dans les résidences des Crous. Nous avons de nouveau gelé les frais d’inscription universitaires pour tous les étudiants.

J’ai eu l’occasion de le dire, cette première étape de la réforme des bourses ne solde pas nos travaux. Le travail continue. En effet, apporter des modifications structurelles à notre système de bourses, objectif que je partage, est un chantier considérable, dont il convient d’étudier les impacts. Parce qu’il engage nécessairement l’avenir à long terme, il demande à être instruit.

Il demande à être instruit sur le plan du modèle que nous défendons, plus juste, plus redistributif, plus cohérent avec les autres aides, et dans la logique de la solidarité à la source.

Il demande aussi à être instruit sur le plan technique. Il faut faire des simulations, être capable de mesurer pleinement et précisément les effets et les impacts des changements apportés. Cette instruction se poursuit, tout comme le dialogue avec toutes les parties prenantes.

Mais je le dis devant vous, nous défendons un modèle de solidarité nationale redistributif, où l’aide apportée vient compléter la capacité contributive de la famille et non s’y substituer, afin de véritablement remplir son rôle, à savoir la résorption des inégalités sociales et les inégalités économiques des territoires.

À cette occasion, vous me permettrez de rappeler que les étudiants les plus précaires bénéficient du plus haut niveau de bourse, dont le montant est équivalent à celui du RSA. Si vous ajoutez à cela les aides personnelles au logement, vous atteignez peu ou prou le montant d’aide visé par votre proposition.

Vous évoquez souvent le système danois, qu’il convient cependant de considérer dans sa globalité. En effet, dans ce système, l’aide cesse systématiquement à compter d’un retard équivalent à un semestre d’études. Il est dédié aux étudiants décohabitants. Les étudiants danois sont plus âgés, en moyenne de cinq ans, que leurs homologues français et il existe une sélection à l’entrée à l’université. Par ailleurs, le gouvernement danois semble engager une réforme de ce modèle, pour le limiter à cinq années, voire pour transformer l’aide en un prêt. Surtout, cette aide est imposable.

Je suis opposée au principe même d’un revenu universel, où la solidarité nationale se substituerait intégralement à l’aide familiale et ne concentrerait pas ses efforts sur ceux qui en ont le plus besoin. C’est mon fil rouge.

Je ne peux pas terminer mon propos sans évoquer le coût budgétaire de cette proposition de loi.

Si l’on fait le calcul dans les grandes lignes, avec une assiette de 2 millions d’étudiants, soit une assiette plus restreinte que celle qui est définie dans cette proposition de loi, auxquels on verserait une allocation de 1 000 euros par mois sur douze mois, on atteint un coût d’environ 24 milliards d’euros par an, soit, permettez-moi d’insister sur ce point, la quasi-totalité du budget du ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche. À cet égard, je vous rappelle, mesdames, messieurs les sénateurs, que le budget de mon ministère a déjà augmenté de 4,38 milliards d’euros depuis 2017.

Si le Gouvernement partage pleinement l’objectif d’aider plus et mieux les étudiants, afin qu’ils puissent faire leurs études dans les meilleures conditions possible, il est défavorable, pour toutes les raisons évoquées, à la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui. »

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