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Crèches et qualité d’accueil du jeune enfant : les recommandations de l’Unaf suite à la publication de deux rapports

Le rapport de l’Igas et de l’Igf : "Micro-crèches, modèles de financement et qualité de l’accueil" et le rapport de la commission d’enquête de l’Assemblée nationale : "Le modèle économique des crèches et la qualité de l’accueil des jeunes enfants au sein de leurs établissements" viennent d’être publiés. Pour ces deux rapports, l’Unaf avait été auditionnée et avait fait part de ses positions. Retrouvez-les en ligne.

Bébés jouant à la crèche

Le rapport de l’Igas et de l’Igf : “Micro-crèches, modèles de financement et qualité de l’accueil” et le rapport de la commission d’enquête de l’Assemblée nationale : “Le modèle économique des crèches et la qualité de l’accueil des jeunes enfants au sein de leurs établissements” viennent d’être publiés. Pour ces deux rapports, l’Unaf avait été auditionnée et avait fait part de ses positions. Retrouvez-les en ligne.

Le rapport de l’Igas et de l’Igf : Micro-crèches : modèles de financement et qualité de l’accueil – janvier 2024

L’Unaf a reçu, le 8 novembre 2023, l’Inspection générale des affaires sociales (Igas) et l’inspection générale des finances (IGF) dans le cadre de la mission qu’Aurore Bergé, Ministre des Solidarités et des Familles, leur a confiée, portant sur le modèle économique des « microcrèches PAJE ». Puis, le conseil d’administration de l’Unaf, réuni dans sa séance du 29 avril avait pris position sur les recommandations du rapport.

L’Unaf partage, nuance ou complète les propositions contenues dans le rapport  :

Proposition n° 1 : aligner d’ici le 1er septembre 2026, les obligations de qualification du référent technique des micro-crèches sur celles des directeurs des autres établissements d’accueil du jeune enfant (EAJE) et porter la quotité de temps de travail à 0,5 ETP par établissement.

Proposition n° 2 : d’ici le 1er septembre 2026, rendre obligatoire dans les micro-crèches, la présence d’au moins 1 ETP de personnel diplômé (auxiliaire de puériculture, EJE, infirmier, psychomotricien, puériculteur) parmi les effectifs encadrants les enfants.

Proposition n° 3 : Étudier la possibilité d’augmenter le taux de préscolarisation des enfants de moins de trois ans afin de permettre de répondre à certains besoins et attentes des parents tout en réduisant la demande de places en établissement d’accueil du jeune enfant.

L’Unaf est mitigée concernant la scolarisation à 2 ans, qui ne peut correspondre à tous les enfants. En tout état de cause, il est nécessaire de créer un projet spécifique d’accueil des enfants de 2 ans pour s’adapter à leur développement psychologique, moteur, cognitif, affectif. La présence d’un nombre d’adultes important est notamment primordiale. Un enfant de 2 ans sera perdu dans une classe de 25 enfants avec un seul adulte.

Proposition n° 4 : Instaurer une fréquence minimale obligatoire pour les visites de contrôle des EAJE par la PMI et imposer une nouvelle visite dans les six mois en cas de manquements constatés.

Pour l’Unaf cette proposition devrait être complété par la mise en œuvre de visite inopinée afin de renforcer l’effectivité de cette mesure.

Proposition n° 5 : Dans la continuité de l’article 18 de la loi pour le plein emploi, mettre en place au sein de la caisse nationale d’allocations familiales, un pôle d’analyse des modèles économiques des EAJE en recourant à un reporting régulier des micro-crèches incluant des informations non exclusivement financières (berceaux ouverts, berceaux réservés, qualité de l’accueil, etc.).

Proposition n° 6 : En cohérence avec le précédent rapport d’inspection consacré au sujet, supprimer, éventuellement par étapes, le crédit d’impôt famille (CIFAM) hors dépenses engagées dans le cadre d’un chèque emploi service universel (CESU) et réallouer les économies réalisées dans une augmentation des bonus de la prestation de service unique (PSU) et du complément du mode de garde (CMG) structure de manière à préserver la viabilité économique des EAJE et préserver le reste à charge des familles et diminuer celui des familles les plus modestes.

Proposition n° 7 : Réformer les règles relatives aux subventions d’investissement des caisses d’allocations familiales en diminuant le taux de subventionnement ex ante et en uniformisant les règles d’attribution applicables aux différents types d’EAJE. À cet égard, la mission propose une diminution du plafond de 80 % du taux de subvention, éventuellement avec substitution d’une partie de la subvention en prêt et un conventionnement avec les établissements prévoyant un versement annuel de la subvention.

Proposition n° 8 : Obliger le passage en PSU pour toute micro-crèche Paje dont le chiffre d’affaires de l’année précédente est constitué à plus de 34 % de la réservation de berceaux. En pratique, la mission recommande de conditionner l’éligibilité au CMG des clients d’une micro-crèche au respect de ce critère par l’établissement. L’Igas considère que l’impact global de cette mesure sur les finances publiques serait entre -36 M€ et +76 M€.

L’Unaf est favorable à cette proposition s’il y a une harmonisation des taux d’effort vers le bas et non vers le haut.

Proposition n° 9 : Réformer le barème du CMG structure pour supprimer les effets de seuil liés aux tranches de revenus et rapprocher le reste à charge des familles de celui des autres EAJE en intégrant, dans le calcul du CMG structure, le volume d’heures de garde réalisées.

L’Unaf note une 10e proposition, non formulée comme telle, mais explicite tout du long du rapport : la création à terme d’une compétence obligatoire pour la création de solutions d’accueil par les collectivités.

L’Unaf partage et prolonge l’analyse de l’Igas et de l’Igf : pour que le financement public de l’accueil collectif reste pilotable et efficace, sans générer d’effets pervers, il faudra à terme créer une compétence obligatoire des communes sur la « petite enfance », associée à des moyens adéquats et en lien avec les Caf. Les moyens supplémentaires dont bénéficieraient les communes proviendraient notamment d’un redéploiement des économies réalisées grâce à l’extinction du Cifam et des excédents de la Cnaf. 

Le rapport au nom de la commission d’enquête de l’Assemblée nationale : Le modèle économique des crèches et la qualité de l’accueil des jeunes enfants au sein de leurs établissements

Le rapport au nom de la commission d’enquête de l’Assemblée nationale : Le modèle économique des crèches et la qualité de l’accueil des jeunes enfants
au sein de leurs établissements

L’Unaf, qui a été auditionnée le 6 mars 2024 et a adressé à la commission une réponse aux questions posées, partage particulièrement 17 des recommandations émises dans le rapport (outre les propositions 1 à 4 qui concernent les micro-crèches et reprennent le rapport ci-dessus).

Recommandation n° 5 : Dans le cadre de la prochaine Cog entre l’État et la Cnaf, en 2027, cibler un taux d’encadrement d’un professionnel pour cinq enfants, qu’ils marchent ou non, et à plus long terme, viser un taux d’encadrement d’un professionnel pour quatre enfants.

Recommandation n° 7 : Calculer le taux d’encadrement au niveau des sections/groupes d’enfants et non au niveau de l’établissement.

Recommandation n° 8 : Assurer le respect du principe de référence en garantissant aux enfants la présence des mêmes professionnels au sein de leur unité de vie. Recommandation n° 9 : Rétablir un ratio d’encadrement obligatoire des enfants supérieur ou égal à 50 % par des puéricultrices, des éducateurs de jeunes enfants, des infirmières ou psychomotriciens diplômés d’État dans le cadre de la prochaine Cog, en 2027, et, à plus long terme, relever ce taux à 60 %.

Recommandation n° 24 : Initier, au sein du Comité de filière « petite enfance », une réflexion sur la question de la réduction, voire de l’unification, des conventions collectives applicables au secteur de la petite enfance.

Recommandation n° 25 : Encourager les communes à affecter, en priorité, des logements sociaux aux personnels occupant des postes opérationnels au sein des crèches.

Recommandation n° 31 : Instaurer une formation continue, régulière et obligatoire, au bénéfice des personnels des crèches, afin de mettre à jour leurs connaissances et leurs pratiques en matière d’accueil du jeune enfant.

Recommandation n° 33 : Rendre obligatoire la formation des gestionnaires d’EAJE aux spécificités de l’accueil des jeunes enfants, au travers de l’obtention, a minima, d’un CAP « Petite enfance ».

Recommandation n° 34 : Garantir l’organisation régulière de temps d’analyse des pratiques professionnelles entre les personnels des crèches, en les intégrant aux critères de qualité contenus dans les grilles de contrôle des PMI.

Recommandation n° 40 : Interdire, au 1er janvier 2027, tout nouveau recrutement de professionnel qui serait diplômé d’une formation intervenue dans le champ de la petite enfance dont les enseignements auraient exclusivement ou majoritairement été dispensés en ligne. Recommandation n° 41 : Développer et favoriser l’alternance au sein des formations donnant accès aux métiers de la petite enfance.

Recommandation n° 45 : Créer des places de formation dans le secteur de la petite enfance, en lien avec les régions, en particulier pour les métiers d’auxiliaire de puériculture et d’éducateur de jeunes enfants, sur la base d’un diagnostic territorial des besoins.

Recommandation n° 50 : Supprimer le crédit d’impôt famille et mettre fin à la réservation de berceaux par l’employeur dans le cadre de la prochaine Cog.

Recommandation n° 52 : À moyen terme, mettre fin au financement dérogatoire des micro[1]crèches, en alignant leur modèle économique sur celui des crèches financées par la PSU, tout en rendant obligatoire le tiers financement communal.

Recommandation n° 54 : Mettre fin au système de réservation de berceaux en crèches, source d’inégalités entre les familles.

Recommandation n° 58 : Clarifier la répartition des compétences entre la commune et l’intercommunalité en matière d’organisation du service public de la petite enfance afin de ne pas remettre en cause les équilibres existants.

Recommandation n° 59 : Permettre à l’autorité organisatrice de la politique d’accueil collectif du jeune enfant d’assurer le suivi et l’accompagnement sur les EAJE de son territoire, en parallèle des compétences de contrôle des Caf et des PMI.

Recommandation n° 64 : Confier à la Cnaf la mission de recenser annuellement le nombre de personnels manquants dans les EAJE à l’échelle nationale. Recommandation n° 65 : Demander à chaque Caf d’établir une cartographie des besoins en professionnels au sein des EAJE de son ressort territorial. Recommandation n° 66 : Réaliser, au niveau régional, un schéma pluriannuel d’adaptation des formations dans le secteur de la petite enfance au besoin de professionnels constaté sur le territoire.

Recommandation n° 71 : Allonger de deux semaines le congé maternité post-natal pour atteindre 12 semaines après la naissance pour la première et la deuxième grossesse.

L’Unaf regrette cependant que rien n’ait été ajouté concernant les relations des parents avec les EAJE, et notamment la généralisation de l’existence de conseils de parents au sein des établissements ou de manière regroupée, en prévoyant leur existence par voie législative ou réglementaire, sur le modèle des conseils de la vie sociale (CVS) prévus pour les établissements et services sociaux et médicaux sociaux (ESSMS).

L’Unaf regrette en outre que le travail de la commission n’ait pas mis en évidence l’impact des modes de financement de l’accueil du jeune enfant sur les restes-à-charge supportés par les familles, qui ne cessent de s’élever et qui risquent de s’élever encore davantage dans les mois qui viennent. 

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[1] Communiqué de presse du 31 mai 2023 – https://www.unaf.fr/ressources/projet-de-loi-plein-emploi-premier-pas-vers-service-public-petite-enfance/