Proposition de loi prenant des mesures d’urgence pour protéger nos enfants accueillis en crèches privées à but lucratif
Le 23 janvier 2025, les députés ont adopté, dans le cadre de la niche parlementaire du groupe Socialiste, la proposition de loi prenant des mesures d’urgence pour protéger nos enfants accueillis en crèches privées à but lucratif avec le soutien du Gouvernement.
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Ce texte à l’issue de l’examen par l’Assemblée nationale comprend 5 articles aux objets suivants :
- L’article 1er prévoyait initialement une interdiction pour les fonds d’investissement, d’investir dans des crèches et groupes de crèches. L’article a été modifié pour appliquer finalement un mécanisme d’autorisation préalable donnée par les ministres chargés des affaires sociales et de l’économie. L’autorisation sera délivrée ou refusée par le Gouvernement après avis de l’Autorité des marchés financiers, de la Caisse nationale des allocations familiales (Cnaf) et des services de l’État compétents, au regard de critères définis par décret en Conseil d’État. Il s’agira ainsi de contrôler l’adéquation entre la stratégie d’investissement proposée et la spécificité de l’activité des entreprises, afin de garantir, en toutes circonstances, la sécurité et la qualité de l’accueil des enfants dans leurs établissements.
Les entreprises autorisées feront ensuite l’objet d’un contrôle tous les deux ans pour vérifier que les critères sont bien respectés.
- L’article 2 renforce les sanctions financières pouvant être décidées par le président du conseil départemental ou le Préfet à l’encontre d’un gestionnaire en cas de non-respect des règles concernant l’autorisation. Le plafond, pour ces sanctions, est porté à 15% du chiffre d’affaires réalisé par l’entreprise et à 1 million d’euros en l’absence de chiffre d’affaires de référence (c’est actuellement 5% et 100.000 euros).
- L’article 2 bis, ajouté en séance par amendement de la rapporteure, prévoit le déclenchement automatique d’un contrôle de l’Igas et de l’IGF lorsqu’un même gestionnaire de crèches fait l’objet de multiples signalements, alertes ou avertissements, le cas échéant dans différents départements, au cours d’une période de deux ans et qui laissent supposer l’existence de défaillances systémiques dans la gestion de ses établissements.
- L’article 3 interdit le recrutement de personnel ayant reçu des formations délivrées entièrement en distanciel pour l’obtention du certificat d’aptitude professionnelle (CAP) « Accompagnant éducatif petite enfance ». Cette mesure ne concerne que les professionnels qui auront suivi leur formation après le 1er janvier 2026. Il est également précisé dans cet article que la Charte nationale d’accueil du jeune enfant définit le taux d’encadrement garantissant la présence d’un nombre de professionnels suffisant pour répondre aux besoins fondamentaux des enfants.
- Enfin l’article 4 prévoit enfin la remise d’un rapport, par le gouvernement au Parlement, dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, sur la prestation d’accueil du jeune enfant et sur la prestation de service unique.
Ce rapport devra évaluer les évolutions nécessaires de la prestation d’accueil du jeune enfant et de la prestation de service unique. Il étudiera les conséquences de leur mode de calcul sur la qualité d’accueil des enfants et sur le travail des professionnels. Son contenu évaluera également la pertinence de supprimer le taux de facturation comme critère de financement des établissements d’accueil du jeune enfant et d’établir des financements uniquement sur la base d’heures facturées. Il proposera enfin des préconisations d’évolution du mode de financement des établissements d’accueil des jeunes enfants.
Dans le cadre de la discussion générale, Mme Catherine Vautrin, ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles a apporté le soutien du Gouvernement à cette proposition de loi. Elle est intervenue en rappelant :
« Rien n’est plus important pour les parents que la sécurité et la qualité de l’accueil de leurs enfants. Une responsabilité immense nous incombe : derrière nos échanges, il y a des enfants, des familles, des professionnels de la petite enfance.
Je tiens à vous dire que l’enfance constitue une priorité pour le gouvernement en général et pour la ministre qui se trouve devant vous en particulier. Je m’engage à ce que nous avancions en faveur de la petite enfance.
Le plus important est l’articulation de la vie professionnelle des parents à l’épanouissement et au développement de l’enfant. Pour répondre en partie à la baisse de la natalité que connaît notre pays, nous devons faire en sorte que les parents soient certains de la qualité de l’accueil dont bénéficient leurs enfants. Cette certitude est un facteur indispensable de concrétisation du désir d’enfants que nourrissent les familles. L’instauration du service public de la petite enfance en 2025 y contribue.
Je citerai quelques chiffres, que vous connaissez. L’offre d’accueil connaît une diminution relative. Si, en 2022, on comptait 507 000 places en crèche contre 436 000 en 2016, cette augmentation n’en demeure pas moins insuffisante pour répondre aux besoins exprimés par les familles. Il faut le dire car, si notre préoccupation est bien sûr d’ordre quantitatif, elle est surtout d’ordre qualitatif. C’est le sens de la proposition dont nous discutons.
Dans le développement de l’offre d’accueil, les micro-crèches privées jouent un rôle important. Comme l’autrice de ce texte y insiste à raison, la majorité des nouvelles places créées l’ont été dans des micro-crèches, principalement gérées par le secteur privé. Ainsi, entre 2021 et 2022, 11 900 places ont été ouvertes en microcrèches, contre 2 900 dans des crèches financées par la prestation de service unique, ou PSU.
Au cours de la même période, la capacité d’accueil des assistantes maternelles a baissé. En 2019, elles accueillaient 33 % des enfants de moins de 3 ans ; en 2024, ce taux est tombé à 31,9 %, notamment en raison de départs en retraite insuffisamment compensés.
En outre, il existe des places en crèches gelées faute de personnel. Pour faire face à cette situation, nous devons faire en sorte de disposer de davantage de personnel correctement formé, comme vous l’avez bien indiqué dans votre texte. Le rapport de la commission d’enquête sur le modèle économique des crèches et sur la qualité de l’accueil des jeunes enfants au sein de leurs établissements souligne l’effet du défaut de personnel sur les taux d’encadrement obligatoires.
Ce manque pèse également sur le nombre de places réellement accessibles. La Caisse nationale des allocations familiales, la Cnaf, estime en effet qu’il faudrait 10 000 professionnels formés supplémentaires pour répondre aux besoins des crèches. C’est tout le sens du travail que nous conduisons sur les métiers de l’humain.
Nous constatons également un effet d’éviction du public par le privé. Le développement des crèches privées ne conduit pas à une augmentation significative des places : selon l’Association des maires de France, l’implantation des crèches privées ne se traduit pas forcément par une hausse nette du nombre de places. Certaines communes s’appuient sur des structures privées pour maintenir leur offre d’accueil sans alourdir leur budget mais cela ne répond pas totalement à la demande.
Les micro-crèches privées dominent donc dans le paysage de l’accueil, et 75 % d’entre elles sont gérées par des structures privées lucratives. Initialement conçues pour satisfaire les besoins des territoires ruraux, elles se développent malheureusement surtout dans les grandes métropoles, en contradiction avec l’objectif initial, comme le démontre un rapport de l’IGF, l’Inspection générale des finances, et de l’Igas, l’Inspection générale des affaires sociales, publié en janvier 2024.
L’offre d’accueil du jeune enfant ne permet donc pas de faire face aux besoins des familles, que ce soit en termes quantitatifs ou d’implantation territoriale.
Autre question : l’accessibilité financière, qui demeure inégale. Un enfant sur cinq est gardé par son parent, pas toujours par choix. Vous en connaissez les conséquences, en particulier sur le travail des femmes, car ce sont souvent elles qui assument cette responsabilité.
Nous nous devons de protéger nos enfants et de faire un bon usage des fonds publics. Je partage votre constat, madame Hervieu. D’abord, la protection des enfants ne devrait jamais être subordonnée à une exigence de rentabilité. Deuxièmement, à l’heure où, suivant un sondage Elabe de février 2024, pour 15 % des Français, la diminution du nombre d’enfants s’explique par les difficultés qu’ils rencontrent lorsqu’ils cherchent des solutions de garde pour les enfants en bas âge, il est important d’examiner ensemble le modèle économique et la qualité de l’accueil.
Nous partageons plusieurs objectifs : assurer un accueil de qualité, favoriser la pratique de prix raisonnables, instaurer des conditions de travail adéquates. J’ai engagé ou soutenu des projets de décrets en ce sens et je suis favorable à l’esprit de la présente proposition.
Autres objectifs communs : éviter la financiarisation excessive du secteur et garantir la qualité de la formation des professionnels et de la prise en charge des enfants, quel que soit le mode d’accueil – public, privé ou associatif.
La création du service public de la petite enfance constitue une formidable occasion d’y parvenir et, bien sûr, nous ne ferons rien sans le concours de professionnels suffisamment nombreux et formés.
Votre proposition apporte d’utiles compléments à nos démarches et, malgré quelques réserves relatives à la rédaction du texte dont j’ai déjà fait état, je considère favorablement l’intention dont elle procède.
Je vous propose de bâtir une société dans laquelle chaque enfant bénéficiera d’un accueil de qualité, chaque professionnel exercera dans des conditions dignes et chaque famille pourra faire confiance aux structures qui prennent soin de leurs enfants.
Mes derniers mots seront pour les parents et les élus de nos territoires. Dans le contexte que nous connaissons, que chacun d’entre eux entende bien notre message d’engagement transpartisan, qui vise un seul objectif : le bien-être de nos enfants ! »
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